DE LA REFORME…
Notre Règle nous interdit à juste titre toute discussion ou controverse religieuse. Essayons donc d’éviter cet écueil et risquons nous à déceler quelques analogies entre la Réforme et les évènements qui nous secouent. Faisons tout d’abord montre d’un peu de modestie pour remettre les choses en perspectives, car il ne s’agit pas de comparer ce qui agite 40 000 frères de la GLNF (mais aussi par contagion morbide ceux des autres obédiences), du mouvement qui affecta l’Eglise et donc l’ensemble de la population du Saint Empire romain germanique au XVIème siècle.
Au départ, un homme, Luther (et quelques précurseurs), a lancé un mouvement interne à l’Eglise pour la réformer, comptant pour ce faire sur le Pape. Son espoir fut déçu et il fut exclu. Le climat religieux était alors marqué par des dérives : préoccupations politiques et de pouvoir, dérives économiques (trafics de charges, affaire des indulgences), dégradation du mode de vie du clergé qui s’affaiblit moralement tout en exerçant une omniprésente tutelle. Luther fustige le matérialisme et l’exhibition des signes extérieurs de richesses. On voit déjà quelques similitudes avec ce qui nous exaspère dans l’évolution de la GLNF et la gouvernance du Grand Maître. L’objectif de Luther est de dépouiller l’Eglise de tout ce qui est obstacle à sa mission première, le salut des âmes. Le nôtre est de dépouiller la GLNF de tout ce qui fait obstacle à sa mission première, la transmission initiatique et le perfectionnement de l’homme.
En 1517, Luther publie des thèses contre les Indulgences, d’abord au sein de l’Eglise, dans l’espoir de la réformer. Mais le débat qu’il voulait lancer n’a trouvé pour écho que sa comparution devant le Chapitre de son Ordre, une demande de rétractation, des autodafés et une excommunication en 1521. Luther : « N’est-il pas scandaleux de voir le représentant du Christ se promener avec un cortège impérial? Et cette cour pontificale avec des milliers de fonctionnaires dont un centième suffirait ». Là aussi, cela nous rappelle un schéma qui nous est devenu familier dans notre Obédience.
Tout ce processus a été appuyé par l’essor de l’imprimerie au milieu du XVème siècle, qui a permis la multiplication des textes imprimés et donné aux écrits de Luther l’opportunité de se diffuser largement dans la population. De même actuellement, l’émergence d’internet et plus précisément des blogs a joué un rôle crucial, parfois pour le pire (les noms d’oiseau circulant au rythme des battements d’ailes) et surtout pour le meilleur (la fracture causée dans la chape de plomb que faisait peser le sommet hiérarchique de l’Obédience et ses relais ; la large diffusion auprès de l’ensemble des frères des dérives d’une part et pistes de réforme d’autre part ; l’échange, le partage et la mise en commun des idées).
La pensée de Luther s’est structurée autour de quelques grands principes, religieux mais aussi de fonctionnement. Il veut remettre l’Ecriture au centre des choses, ce que l’on pourrait assimiler chez nous au respect du rituel et de la Règle. Tous les chrétiens sont égaux, ont accès à Dieu sans médiateur, il n’y a pas d’infaillibilité pontificale et la suprématie du clergé est remise en cause. Cela s’entend par la promotion d’une solide instruction religieuse de tous les chrétiens et par une plus grande exigence à leur égard. Luther revendique la liberté du chrétien, dans le respect de l’Ecriture, et l’affranchit des Institutions humaines en matière de foi. Il opte alors pour une organisation très souple de la vie ecclésiale (« Chaque lieu convient et aucun lieu n’est nécessaire »). Il met en oeuvre également le développement des catéchismes comme outil pédagogique. Par un raccourci peut-être approximatif, on peut retrouver dans le fond de cette démarche des motivations qui nous animent : le retour à l’exigence, au travail, au rituel ; le souci de la liberté dans ce cadre ; la volonté de retrouver une maçonnerie fuyant la recherche des métaux ; le rejet d’une structure hiérarchique pesante et sclérosante et la revalorisation d’une maçonnerie centrée sur la Loge.
La démarche de Luther était initialement de réforme interne. Face à la volonté de la hiérarchie en place de préserver son mode de fonctionnement, ses acquis, ses avantages matériels et son pouvoir, et ce par tous les moyens (excommunication et menace d’être brulé), son initiative s’est soldée par la rupture avec Rome et l’émergence du (ou des) protestantisme(s). Désormais, les divergences doctrinales entre catholicisme et protestantisme demeurent, mais les relations sont apaisées, conflits et polémiques ayant laissé place au dialogue. Notre Réforme est en train de s’écrire, de façon chaotique. A chacun de déterminer quelle est la voie qui recueille son adhésion. Pour ma part, c’est celle de la réforme. Est-ce que la réforme de la GLNF que nous appelons de nos voeux sera suffisamment profonde et refondatrice pour répondre à nos attentes ? A suivre …
Pat la Mole